IT Link a eu la chance de participer au troisième sommet mondial de la mobilité durable Movin’on.
Créé par Michelin, cet événement basé à Montréal est souvent qualifié de “Davos de la Mobilité”. Du 4 au 6 juin 2019, il regroupait des acteurs du secteur, venus du monde entier.
L’objectif annoncé est ambitieux : dessiner les contours d’une mobilité verte, intelligente, inclusive et durable. Au programme pour les 5 000 participants : conférences, expériences, ateliers de travail et innovations en tous genres allant du vélo solaire à l’Hyperloop, en passant par des camions de ramassage des poubelles autonomes et 100% électriques.
“Il s’agit de définir notre avenir à horizon 30 ans. Lorsque 2 habitants sur 3 vivront dans les villes, quelle mobilité voulons-nous pour le futur?” – Florent Menegaux, nouveau président de Michelin.
(Re)bâtir la confiance dans le véhicule autonome
Au même titre que l’électromobilité, le véhicule autonome, s’annonce comme le fer de lance de la révolution des transports. Mais en quoi s’intègre-t-il dans une démarche de mobilité durable?
On imagine aisément l’apport des véhicules autonomes pour le confort de conduite des utilisateurs. Mais ils ouvrent également des perspectives environnementale et sociétales bien réelles.
Utilitaire autonome EINRIDE
On estime que les véhicules autonomes devraient avoir un impact positif sur la congestion des centres urbains. Il doivent également accroître l’attractivité des transports en commun. En les rendant plus accessibles, ils peuvent permettre de désenclaver certaines zones rurales. Considérons le fait que 50% des déplacements en voiture en ville sont inférieurs à 3 km et 15% à 500m. Les véhicules autonomes peuvent donc tout à fait jouer un rôle dans les trajets dits “du dernier kilomètre”. Le progrès apporté par cette technologie autonome promet également une mobilité plus inclusive. Elle peut notamment favoriser la mobilité des seniors ou des personnes à mobilité réduite.
En mai 2018, le gouvernement français affirmait sa volonté de mise en circulation dès 2021 des premiers véhicules autonomes de catégorie 3 et 4 (avec un volant toujours présent). Plus généralement, de l’Europe aux Etats-Unis, en passant par l’Asie, les souhaits des autorités convergent toutes vers un lancement au début de la prochaine décennie.
Au-delà de l’engagement des gouvernements à faire évoluer la législation, et de la volonté des industriels d’accélérer le mouvement, des interrogations majeures subsistent et font entrevoir une issue incertaine à ce grand emballement technologique.
La principale question réside dans la capacité qu’aura le véhicule autonome à gagner la confiance des utilisateurs. En effet, si la voiture autonome résonne en nous comme un fantasme futuriste et attise notre curiosité, les accidents survenus ces derniers mois lors des phases d’expérimentation font planer le doute sur la fiabilité de la technologie. Ces inquiétudes contribuent d’ailleurs à faire ressurgir le fantôme du pire cauchemar de l’humain adulte : la responsabilité.
Ainsi, selon Kris Carter, coprésident du MONUM (Mayor’s Office of New Urban Mechanics in Boston), il est aujourd’hui impossible de dire à quel horizon devraient apparaître les premiers véhicules 100% autonomes dans sa ville.
Tous les experts présents sur le forum convergent d’ailleurs vers l’idée que les véhicules autonomes devraient dans un premier temps concerner les transports en commun… en conservant la présence d’un chauffeur à bord, principalement pour rassurer les usagers.
“N’oublions pas qu’il nous a fallu près de 3 décennies pour accepter le fait que nos ascenseurs fonctionnent sans personne aux manettes”, s’amuse Pierre Schaeffer, Directeur Marketing de Thalès.
La perspective de faire des transports en commun un secteur précurseur dans les véhicules autonomes pose une autre question cruciale. Existe-t-il une réelle clientèle pour les voitures autonomes?
Au-delà des débats, et même si les perspectives restent encore floues, la quête du véhicule autonome demeure le principal pourvoyeur d’innovations dans l’industrie automobile depuis le début du siècle, notamment sur le plan de la sécurité. Régulateur de vitesse, aide au stationnement, détecteurs d’angle mort ou de franchissement de ligne blanche… toutes ces technologies ont été développées dans la perspective de l’avènement du véhicule autonome.
D’ailleurs, sans attendre la mise en circulation des véhicules autonomes, on peut d’ores et déjà considérer que des véhicules connectés et intelligents, rendus plus sûrs par les avancées technologiques, réduisant l’accidentologie sur les routes, constituent une belle étape vers la mobilité durable.
Connecter la mobilité urbaine pour la rendre plus inclusive
“Ce vers quoi nous devons tendre, au travers de la révolution de la mobilité, c’est un système de mobilité ouvert à tous dans la société”, Caroline Parot, présidente du directoire d’Europcar Mobility Group.
L’innovation crée l’usage, certes. Mais il apparaît aujourd’hui que la clé pour faire bouger les mentalités, dans une société où l’individualité prévaut encore, réside dans notre capacité à apporter une solution commune. Pour cela nous devons rendre l’offre plus lisible et interconnectée.
Navette autonome Navya
Depuis le début de la décennie, nous sommes témoins dans les grandes métropoles, des prémices de cette révolution. Autopartage, transports alternatifs, mobilité douce ou encore développement de pôles d’échanges multimodaux… les projets et innovations pullulent dans nos villes. Mais l’étape suivante réside dans notre capacité à uniformiser, rationaliser et rendre accessibles à tous cette offre. In fine, l’objectif est de favoriser l’abandon de la voiture personnelle au profit de modes de déplacements propres. Et pour y parvenir, tous les acteurs doivent pouvoir s’entendre et agir ensemble.
Ainsi, le réel défi de cette révolution en marche est de parvenir à gommer les frontières entre les modes de déplacements. A l’aide du digital, les acteurs du secteur doivent parvenir à offrir une expérience de transports ininterrompue (“seamless experience”), afin de décloisonner la mobilité et en garantir l’accès pour tous.
La Data et l’Intelligence Artificielle pour convaincre
La mobilité durable est un enjeu commun. Elle fait écho aux crises environnementales et énergétiques dans lesquelles notre société s’est engagée depuis la fin du siècle dernier.
Aujourd’hui la prise de conscience de cette réalité et de la nécessité d’agir semble avoir fait son chemin. Mais elle se heurte toujours au quotidien, à la réticence aux changements qu’impliquerait un véritable engagement.
Les véhicules plus sûrs, capables de réguler le trafic urbain peinent à trouver leur place dans le cœur des usagers. L’offre pléthorique de solutions de mobilité plus propres et inclusives, la multiplicité des acteurs renforce le sentiment de confusion… Les projets sont innombrables et divisent l’opinion.
Selon Caroline Parot (Europcar Mobility Group), “on ne peut pas faire changer les mentalités simplement avec des projets… on doit convaincre et le faire grâce à la donnée”. L’issue de toute cette révolution semble en effet dépendre de sa capacité à convaincre et motiver une réponse commune.
Dans les allées de Movin’On, comme au CES, le mot revient sur toutes les lèvres : la “data”. Jusque là, rien de bien original. Ce qui change, c’est la façon de l’utiliser, le sens qu’on lui donne. La data n’est pas apparue comme une monnaie d’échange, affublée d’une valeur marchande, comme on peut souvent le constater dans les milieux de la “tech”, mais plutôt comme le moyen de convaincre.
En se basant sur une quantité suffisante de données pertinentes (et anonymes), récoltées depuis une flotte de capteurs, en s’appuyant ensuite sur l’intelligence artificielle et la capacité d’apprentissage des machines, on est aujourd’hui en mesure de prédire l’impact des projets sur l’environnement, sur le trafic urbain, même sur nos usages.
La Data permet donc d’apporter la preuve de la pertinence et de l’efficacité des projets et nouveaux modes de transports. De cette manière, les acteurs de la mobilité pourront influencer la façon de se déplacer et favoriser l’adoption par le public de modes de transports plus respectueux de l’environnement, sûrs et sobres.
Ces trois jours au sein de l’écosystème Movin’On nous ont permis de nous imprégner des tendances et aspirations d’un secteur de la mobilité en pleine mutation et en recherche de sens. Mais cette expérience a surtout renforcé notre conviction que le digital et les systèmes connectés constitueront la clé de voûte d’une transition, nécessairement rapide, dans nos façons de concevoir et de consommer la mobilité.